La rencontre sportive USEP est inclusive : la preuve avec Geoffrey Damien, jeune enseignant qui a fait entrer le sport scolaire à l’Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (Itep) de Saint-Imoges, près de Reims (Marne). Une initiative qui pourrait faire boule de neige.

Geoffrey Damien, comment avez-vous rencontré l’Usep ?

L’Usep, je l’ai pratiquée dans les années 1990 à l’école de Joinville, en Haute-Marne : course en durée, gymnastique… J’ai même conservé un diplôme ! Puis, en 2e année de licence Staps, j’ai participé à des rencontres du mercredi matin, avant de retrouver l’Usep quand j’ai bifurqué vers l’IUFM, aujourd’hui l’Éspé1.

De quelle façon ?

En 2e année, j’ai encadré les relais scolaires organisés sur le parcours du Marathon de Reims. Puis, en attendant de repasser le concours de recrutement des professeurs des écoles après un échec aux écrits, j’ai effectué un stage dans une école pour mettre en place une rencontre athlétisme. À l’issue de ce stage, l’Usep m’a proposé un service civique volontaire : en plus du lien avec mon futur métier, j’y ai acquis la connaissance pratique de l’organisation d’une rencontre.

Une fois enseignant, vous avez tout de suite fait de l’Usep ?

Dès que j’en ai eu la possibilité. Intégré à la « brigade départementale », j’ai enchaîné des remplacements courts, avant un remplacement de plusieurs mois à l’école de Sept-Saulx, qui venait de s’affilier. Bien que tout jeune enseignant, j’ai fait profiter mes collègues de mon expérience. L’année suivante, dans une école de l’agglomération d’Épernay, il était impossible de rivaliser avec l’offre municipale… Mais, quand en 2015 j’ai été nommé dans un Itep2, un Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique, j’ai créé une association.

 C’était nouveau…

Oui. Les enseignants ne proposaient pas non plus d’EPS, et l’activité physique reposait exclusivement sur les éducateurs intervenant hors temps scolaire, le mercredi ou en soirée. Mais l’équipe enseignante a accroché à l’idée de proposer des activités physiques, en lien avec des objectifs éducatifs en matière de santé et de citoyenneté. Nous accueillons des enfants déscolarisés, or l’Usep permet des échanges avec des enfants de l’enseignement « ordinaire ».

Combien avez-vous d’élèves dans votre classe ?

Mon « unité d’enseignement » compte 12 enfants âgés de 6 à 11 ans. L’Itep de Saint-Imoges accueille également 8 collégiens. Tous sont en internat.

Comment faire de l’Usep avec des enfants d’âge si différent ?

C’est toute la difficulté : on s’adapte, et les grands se montrent bienveillants avec les petits, notamment dans les sports collectifs, où nous ajoutons des règles de coopération. Et nous ciblons les rencontres du CE2 au CM2.

Dans quelles activités ?

Cette année, nous avons participé aux opérations Handballons-Nous ! et Basket à l’école, au cross de la Ville de Reims (des contrats-temps individualisés, c’est plus facile) et à une rencontre d’athlétisme. Pour la Semaine olympique et paralympique, nous avons pris part à une rencontre handi-athlé avec des enfants mal voyants et mal entendants, et des rencontres tennis et football sont prévues.

Les enfants se mêlent facilement aux autres ?

C’est tout l’intérêt social des rencontres Usep ! Si en milieu ordinaire les objectifs pédagogiques sont ceux qui figurent dans les programmes, pour nous cela va bien au-delà ! Or la porte n’est pas toujours ouverte pour les enfants d’Itep. Participer à des manifestations en inclusion avec des classes ordinaires, c’est une valorisation. Pour eux qui vivent entre eux 24 heures sur 24, c’est aussi une respiration. Et moi, en tant qu’enseignant, cela m’aide à évaluer les progrès de mes élèves.

Le but est qu’ils retrouvent le milieu ordinaire ?

Précisément. Ces enfants sont en Itep parce que ça ne tient plus à l’école, à la maison, ou les deux. L’internat permet une coupure avec la famille et le système scolaire classique, afin de repartir sur de nouvelles bases.

Ces rencontres, vous les préparez tout particulièrement ?

Eh bien non, car je me suis aperçu que c’était contre-productif : cela mettait trop de pression aux élèves. Je rappelle seulement les objectifs, au niveau sportif et social : que ça se passe bien avec les autres enfants, tout simplement.

Votre expérience pourrait-elle être reproduite dans d’autres établissements spécialisés ?

C’est d’actualité. Nous sommes jumelés avec un autre Itep sans internat, lequel s’est affilié à l’Usep. Et nous travaillons à la mise en place une commission Usep-ASH3 pour associer d’autres établissements du département. L’idée est d’organiser des temps d’EPS communs, avec des cycles de pratique débouchant sur des rencontres. Pour cela, nous voulons inviter des classes d’autres établissements, pour leur montrer ce qu’on pourrait faire ensemble.

Les équipes enseignantes sont partantes ?

Depuis 4 ans que je travaille dans l’accueil et la scolarisation d’enfants handicapés, je me suis aperçu que les enseignants sont souvent en demande mais n’osent pas, par appréhension. Ils ont besoin d’un coup de pouce pour se lancer.

Votre « unité d’enseignement » est aussi engagée cette année dans l’opération Mondi@l-USEP

C’est l’occasion d’avoir des échanges avec des enfants du monde entier, et d’abord avec les trois classes de Guadeloupe et de la Réunion de notre équipe. Mes élèves ont découvert que, partout sur la planète, il y a de l’Usep. Quand on vit entre soi, en milieu fermé, Mondi@l-USEP est une formidable ouverture. Nous venons par exemple de recevoir un message de l’école de Guadeloupe qui parle d’une rencontre sur la plage. Cela fait rêver, et mes élèves étaient très curieux de savoir quels sports leurs correspondants avaient bien pu pratiquer sur le sable…

 (1) Éspé : École supérieure du professorat et de l’éducation. IUFM : Institut universitaire de formation des maîtres.

(2) Les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques accueillent les enfants, adolescents ou jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages.

(3) ASH : adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés.

 

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